PEUPLE BAMOUN, COMPRENDRE L’HÉGÉMONIE D’UNE CULTURE SEPT FOIS SÉCULAIRE
Présentation sommaire
• Localisation : département du Noun dans la région de l’Ouest
• Naissance : 1384
• Origine : Rifum (Mbankim)
• Population : environ 820 000 personnes
• Superficie occupée : environ 7 700 km²
• Localités occupées (en dehors de la diaspora) : Bangourain, Foumban, Foumbot, Kouoptamo, Koutaba, Magba, Malentouen, Massangam, Njimom
• Religions : animisme, islam et christianisme
À partir de 1384, le peuple Bamoun, Bamom, Bamoums, Bamum, Bamun, Banun, Mom, Moum, Moums, Mum, Mun, Pa-môm, Shupamam ou Shupaman selon les sources, construit son royaume. Celui-ci connaitra son apogée au XVIIIe siècle. Il sera ensuite démantelé par la colonisation française du début du XXe siècle. Ce choc de l’histoire n’a pourtant rien enlevé à la puissance politique, économique et culturelle de ce peuple qui occupe l’essentiel du département du Noun, comme en témoigne la langue et l’écriture Bamoun, sa superficie correspondant à plus de la moitié de celle de la région de l’Ouest et la place qu’occupe son roi sur l’échiquier politique du Cameroun entre autres. Les clés de la compréhension de cette puissance résident dans l’origine du peuple Bamoun.
Le pays Bamoun est constitué de plusieurs peuples fédérés par la force ou la ruse. Ce sont ainsi près de 200 ethnies qui ont été soumises au fil des siècles sous le diktat du clan originel. À l’origine, il s’agissait de quelques centaines de personnes qui franchirent un fleuve à la suite du fondateur du royaume, le Prince Nchare (ou Nshare). Celui-ci avait décidé de s’établir loin de ses frères. Avec sa suite, il s’installa tour à tour à Njimom et à Foumban, non sans vaincre et soumettre plusieurs ethnies dont les Pa Mben, premiers occupants de Foumban, installés par les soins du Prince Nchare dans un quartier de la ville.
À la fin du XVIIIe siècle, Mboumbouo Mandù, le onzième monarque, initie et mène de nouvelles conquêtes dans le Mbam, la Mapè et le Noun. Il parvient alors à multiplier la superficie de son territoire par quatre. On peut comprendre aujourd’hui que la culture bamoun est la somme des cultures des peuples ainsi phagocytés.
Un artisanat protéiforme
Entre religions importées, cultes aux esprits des ancêtres et animisme, les pratiques cultuelles chez les Bamoun sont diverses. L’artisanat est étroitement lié à ces cultes. Les masques et statuettes en constituent en effet le point d’ancrage. Les Bamoun sont devenus, avec la pratique, de très bons artisans, transmettant leur maitrise de l’orfèvrerie, du la sculpture sur bois et sur ivoire, de la fonte a cire perdue, de la céramique, du perlage, de la teinture à réserves et du dessin de générations en générations.
C’est avec la venue au trône du Sultan Njoya, le 17e souverain, que l’artisanat va connaitre un véritable essor. Il apporte son soutien aux artisans qui jouissent déjà d’une notoriété dans la région grâce au caractère exceptionnel de leurs armes, bijoux, masques, teintures, meubles et ustensiles de cuisine. Lorsque les Allemands s’installent à Foumban en 1906, ils renforcent le savoir-faire des artisans bamoun et leur renommée traverse les frontières du Cameroun.
Masques traditionnels de danseurs Bamoun au ‘Musée du Palais’ de Foumban, Cameroun. Photo @Gerard SIOEN
L’autre particularité de la culture bamoun c’est le « dessin bamoun » ou « dessin traditionnel », l’invention d’Ibrahim Njoya, cousin germain du roi bamoun Njoya. Il participe à l’amélioration de l’écriture bamoun et illustre ensuite les manuscrits du roi dont le Nuet Kuete, manifeste de la religion syncrétique inventée par le roi Njoya vers 1915. En plus de ses fonctions d’enseignant et de comptable au sein de la chefferie bamoun, il est affecté plus tard aux travaux de décoration des nouveaux palais.
Le plus grand apport du Sultan Njoya à la culture bamoun fut la création d’un véritable musée où sont conservés les trophées de guerre, les symboles sacrés du pouvoir et les insignes des sociétés secrètes : trônes sculptés, masques traités, statues de personnages, représentations animales, symboles de l’invincibilité et du pouvoir royaux. Ce musée est logé dans le palais royal classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le 22 janvier 2020, le Ministre des petites et moyennes entreprises a inauguré le village artisanal spécial de Foumban pour stimuler davantage la production des artisans de la localité. C’est un immeuble composé d’un sous-sol, de bureaux administratifs, d’une salle des archives, d’une salle de réunions, de trois magasins, de quatre ateliers de formatons, des vestiaires et d’une mosquée.
Une écriture singulière
L’écriture bamoun ou écriture shü-mom est connue comme étant l’écriture de Njoya, nom du roi qui l’a inventée. C’est l’un des rares systèmes d’écriture développés en Afrique noire de façon autonome.
La langue bamoun moderne est parlée au Cameroun et transcrite dans l’alphabet qui est la base de l’écriture bamoun, aka-uku du nom de ses quatre premiers caractères A, Ka, U, Ku. Celui-ci a connu de nombreuses modifications, à partir d’une base de pictogrammes naturels associés à des lettres d’un alphabet original. La version actuelle de cet alphabet est le résultat de six modifications. On est passé de 510 signes à 80 caractères dont 70 caractères phonétiques et 10 caractères à la fois numériques et syllabiques.
Ayant des similitudes avec les peuples bamilékés, le peuple bamoun est un géant culturel en Afrique. L’histoire du peuple bamoun en fait une curiosité. La tradition bamoun et les symboles bamoun font aujourd’hui l’objet de plusieurs études et publications. Cependant, ce qui intéresse encore plus c’est l’artisanat et l’écriture bamoun. La musique n’est pas en reste. Avec leur grande variété de style musicaux (Kpalum, Mundu, Soro ‘, Kpalum-Mundu, Kpalum Moderne, etc.), les Bamoun se démarquent de leurs voisins des Grassland. Cette richesse se célèbre à travers le festival cuturel Nguon.