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L’Afrique, dernière frontière du marché de l’art ?

Longtemps réduit à des stéréotypes essentialistes, l’art africain s’expose désormais dans les plus prestigieuses galeries internationales. De l’émergence des artistes contemporains à l’univers confidentiel de l’art ancien, analyse d’un marché en pleine ébullition.

En dix ans, l’attractivité de l’art africain s’est visiblement accrue en Europe. Après le lancement à Londres, en 2013, de la foire d’art contemporain africain 1-54, Paris a accueilli, deux ans plus tard, la première édition de la foire AKAA (Also Known as Africa). Dans le même temps, les grandes maisons de vente aux enchères comme Sotheby’sPIASA ou Christie’s, ont renforcé leurs investissements et les musées, comme le MoMA à New York, ont suivi la tendance. 

Sur le continent africain, la Biennale de Dakar est installée depuis 1989. Mais, depuis 2008 et la création de la FNB Joburg Art Fair, les foires d’art contemporain se sont multipliées. Parmi elles, l’Art Fair de Nairobi et la Biennale de Marrakech, toutes deux inaugurées en 2015. « Auparavant, jamais la scène artistique camerounaise n’était évoquée », observe Diane-Audrey Ngako, entrepreneuse à l’origine de la première foire d’art contemporain au Cameroun. «La création de Douala Art Fair en 2018 a participé à la structuration d’un écosystème ». La jeune femme constate qu’« en 2018, 70 % des œuvres étaient achetées par des Libanais. Un an plus tard, les deux tiers des acheteurs sont camerounais ».

De nouvelles structures et institutions dédiées à l’art accompagnent l’éclosion de ce marché, comme la Fondation Zinsou, située à Ouidah au Bénin. Depuis peu, la ville du Cap, en Afrique du Sud, accueille le plus grand musée d’art contemporain africain au monde, le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA), fruit d’un partenariat entre le Victoria & Alfred Waterfront, un quartier de la ville, et le collectionneur allemand Jochen Zeitz.

La cote de l’art ancien africain toujours aussi forte

« Après les indépendances, le marché de l’art ancien africain a explosé », explique le galeriste et marchand d’art Didier Claes, basé à Bruxelles. «L’an dernier, une pièce dogon a été vendue 28 millions d’euros à un collectionneur privé. En mars, un masque fang du Gabon est parti pour 4,2 millions d’euros », ajoute le collectionneur franco-ivoirien Serge Hié, dont la collection compte plus de six cents œuvres d’art africain ancien. « Force est de constater que ce marché se trouve en Occident. Les collectionneurs africains d’art ancien ne représentent guère plus de 2 % du marché », évalue-t-il.  « Les montants exorbitants rendent difficile l’accession à ces œuvres. Et puis, en Afrique, les enfants apprennent que des esprits se cachent dans les objets, qu’il faut s’en éloigner. Nous devons nous départir de ces a priori qui expliquent que la jeune génération préfère s’orienter vers l’art contemporain », analyse le collectionneur. 

Après avoir connu un bel essor au début des années 2000, le marché de l’art ancien africain se heurte aujourd’hui à des considérations mémorielles. D’où proviennent les objets ? Pour Didier Claes, « principalement des anciennes colonies. Plus de 95 % des œuvres de l’Africa Museum à Tervurenen Belgique, viennent de la République démocratique du Congo », estime-t-il. 

En France, le rapport Sarr-Savoy, publié en 2018, indique que 85 à 90 % du patrimoine africain se trouve hors du continentInstrument du soft power français dans son « new deal » avec l’Afrique, le retour au Bénin de vingt-six œuvres pillées au royaume d’Abomey a signé le temps des restitutions. 

Que pèse vraiment le marché de l’art africain ?

En 2013, Christie’s a battu le record du prix de vente d’une œuvre africaine contemporaine, celle de l’Éthiopienne Julie Mehretu, adjugée pour un montant de 4,6 millions de dollars (4,3 millions d’euros). Cette performance reste loin des montants astronomiques atteints par des artistes comme l’Américain Jeff Koons dont le Balloon Dog (Orange) a été vendu 58,4 millions de dollars (55 millions d’euros) par la maison Christie’s en 2013. Les œuvres des artistes africains les plus cotés sont vendues essentiellement à Londres, Paris et New York. Le marché de l’art en Afrique reste cependant encore embryonnaire. En dehors du Nigéria et de l’Afrique du Sud, force est de constater que l’offre ne rencontre toujours pas la demande. Les œuvres restent peu valorisées, les structures muséales insuffisantes, et les certificats d’authenticité une denrée rare, tout comme les professionnels du secteur. Une piste se dessine toutefois, avec son lot de promesses et de possibilités : celle de l’art virtuel et numérique, via les NFT (non-fongible token). Ces jetons non fongibles fonctionnent sur le même principe que la cryptomonnaie et bouleversent aujourd’hui le marché de l’art. 

Statue Nkishi Songye ©Studio Philippe de Formanoir Paso Doble

Masque Lwalwa – Courtesy of Didier Claes Gallery

Harpe Mangbetu ©Hughes Dubois

Statue Buyu ©Hughes Dubois

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